Trois formes de langage verbal : dialogue, récit et lettres


Le dialogue

Le dialogue occupe la plus grande partie d'Incendies, et Wajdi Mouawad l'exploite de différentes manières. Tout d'abord on constate qu'il n'y pas qu'une seule langue qui est parlée pendant la pièce, hormis le français, il y a aussi l'anglais et des expressions québécoises. Cela donne comme effet de ne pas trop savoir le cadre spatio-temporel, comme si l'auteur ne voulait pas dévoiler l'endroit où se déroule les différentes scènes. On se sent donc plongé, comme une mise en abîme car on lit la pièce sans trop savoir où cela se déroule, ce qui laisse aussi au lecteur une part d'imagination. Il y a aussi la présence de langage familier notamment avec le notaire ou lorsque Simon et Jeanne se parlent. Cela donne l'impression d'être assez proches des personnages, sans utiliser de langage soutenu difficile à lire et comprendre.

Le récit

Au théâtre, un récit est le discours d’un personnage en scène qui narre un événement qui s’est passé « hors scène ».

Le récit est aussi présent dans cette pièce, mais dans une moindre mesure. L'auteur l'utilise lorsqu'il y a des passages qui s'entremêlent notamment, ou pour raconter des faits importants dans la pièce, comme si la pièce se mettait en pause pour énoncer un fait important pour l'histoire. 

On trouve, pages 72 et 73, le récit de Nawal qui raconte l’effroyable histoire de l’incendie du bus, où elle a été sauvée mais a vu des horreurs.

Puis aux pages 101, 102, 103 et 104, Nawal raconte aux juges l’histoire de son bourreau qui l’a violée.

La lettre

Nawad adresse deux lettres à Nihad, en tant que bourreau et père, et ensuite en tant que fils.

On voit que les deux lettres sont très différentes, lorsqu’elle s’adresse à son bourreau, Nawal écris avec beaucoup de mépris pour lui : « Les mots, je les voudrais enfoncés dans votre cœur de bourreau. J’appuie sur mon crayon et j’y inscris chaque lettres ». La lettre est courte et ne sert qu’à exprimer la haine et le dégoût de Nawad envers son bourreau. Elle veut le faire culpabiliser en prenant ses enfants (Jeanne et Simon) comme preuves de ses actions malsaines : « Votre fille et votre fille sont en face de vous », « Tous deux fils et fille du bourreau et nés dans l’horreur ».

Dans la lettre destinée à Nihad en tant que fils, on assiste à une toute autre écriture. En effet dès le début Nawal utilise des procédés de répétition pour montrer qu’elle a passé toute sa vie à chercher son fils et le désir de le revoir : « Je t’ai cherché partout. Là-bas, ici, n’importe où. Je t’ai cherché sous la pluie, je t’ai cherché au soleil » etc. Cette lettre montre aussi que Nawal aime bien son fils quoi qu’il arrive, même en sachant qu’il était son bourreau, elle répète cette promesse, qu’elle a faite quand il est né, et qu’elle tient toujours. Cette deuxième lettre permet de dégager les deux natures de Nihad, entre le fils et le bourreau : « Je parle au fils, car je ne parle pas au bourreau », elle rejette la haine qu’elle a pu avoir pour lui.

 

Enfin, Nawad adresse une dernière lettre à ses enfants qui sont le fruit du viol de Nihad, Jeanne et Simon (ou Jannaane et Sarwane). Dans cette lettre, elle s’adresse à chacun d’eux de manière similaire mais en leurs demandant des choses différentes : « Simon, est-ce que tu pleures ? », « Jeanne, est ce que tu ris ? ». On peut prendre ça comme le même procédé qu’elle a fait à Nihad en lui adressant deux lettres afin de séparer ses deux natures, ici, elle sépare l’horreur de laquelle ils sont nés en parlant à Simon, et l’amour qu’elle a pour eux en parlant à Jeanne. Elle leur demande la même chose que sa propre mère lui avait demandé, c'est-à-dire de graver son nom sur sa tombe après être arrivé à quelque chose, apprendre à lire, compter et parler pour Nawal, et trouver leurs origines pour Jeanne et Simon.