Nihad, le monstre


Nihad est homme cruel. La cruauté est le fait d'avoir plaisir à faire souffrir autrui, à tuer, à torturer. Wajdi Mouawad dans la scène 31 montre par les paroles de Nihad que ce personnage aime tuer : « La plupart du temps on pense que ce sont les gens qui dorment. Mais non. Ils sont morts. C'est moi qui les ai tués ! Je vous jure. »(p.109). Nihad confirme ses actes. Dans la scène 35, Nihad dit «  Les gens qui ont dit que je les ai torturés, je les ai torturés »(p.104), encore une fois il y a la présence de cruauté, Nihad avoue totalement. Pour poursuivre dans la même scène Nihad réplique « Ceux que j'ai giflés et celles que j'ai violées avaient toujours un visage plus émouvant après la gifle et après le viol, qu'avant la gifle et qu'avant le viol »(p.109), la répétition des mots « viol » et « gifle » viennent accentuer que Nihad manque de pitié. Il aime faire souffrir, Nihad est cruel.


On remarque très vite sa folie, à travers sa réplique page 109 : « La plupart du temps on pense que ce sont des gens qui dorment. Mais non. Ils sont morts. C'est moi qui les ai tués! Je vous jure. » Le personnage insiste sur le fait qu'il les a tués, montrant bien le fait qu'il assume complètement sa monstruosité. Il y a aussi plusieurs répliques courtes qui accentuent l'horreur de la réplique de Nihad. Aux pages 110, 115 et 116 il se met à parler avec un présentateur s'appellant Kirk . Ainsi il fait dire à « Kirk »: « I immagine that you don't kill chidren . » et il répond « Yes, yes, I kil children. No problème. Is like Pigeon, you know. » Même si son anglais très approximatif et l'absurdité qui s'en dégagent peuvent sembler comique, ses propos renforcent plutôt sa bestialité, l'auteur montrant que Nihad n'a plus de morale. Enfin lors de son procès page 124, on peut voir une répétition: « Les gens qui ont dit que je les ai torturés, je les ai torturés. ». Outre cette répétition qui intensifie l'horreur qui se dégagent du personnage, on trouve le champ lexical de la violence avec les mots « torturés », « tués », « violés » et « giflés ». Nihad est donc complètement rongé par la folie.


Nihad est un personnage monstrueux qui a perdu l’essence même qui caractérise les Hommes, ses sentiments. En effet nous pouvoir voir que Nihad est inhumain puisqu’il est heureux d’être un « sniper » comme il le dit lui-même : « sniper job is fantastic » (page 115, scène 33), l’adjectif de « fantastic » est mélioratif. Sa vie se résume à tuer : « But for me, Kirk, my gun is like my life » (page 115, scène 33). Il n’est pas gêné de tuer un pauvre innocent, pour lui les enfants ne sont que des animaux, des insectes nuisibles qu’il qualifie de « pigeon » quand il explique: « I kill children. No problème. Is like Pigeon, you know » (page 116, scène 33). Le fait que l’auteur ait mis une majuscule à « Pigeon » permet de lui donner plus d’importance que celle des enfants. La didascalie « Nihad se relève, épaule son fusil et tire de nouveau» (page 116, scène 33) est intensifié par l’adverbe « de nouveau » montrant que ce n’est pas la première fois qu’il tue quelqu’un. En outre Nihad, n’est pas un simple meurtrier, il est fière de tuer « C’est moi qui les ai tués. Je vous jure » (page 109, scène 31). L’utilisation du pronom possessif « moi » permet de montrer qu’il ne se cache pas de tous les crimes qu’il a commis mais bien au contraire qu’il assume ses actes n’éprouvant aucun remord. Il ne cherche même pas à se disculper puisqu’il « jure ». Nihad est violent, il a « tué sept de leurs tireurs. Il les avait visés dans l’œil. La balle dans leur lunette » (page 123, scène 35). Cet homme est déshumanisé tant sa cruauté est puissante, de Nihad il ne reste qu’une « machine à tuer » (page 123, scène 35). Le personnage disparaît et on le nomme par sa ‘’caractéristique’’ de machine à tuer. Nihad n’a ni fois ni lois, il a « torturé [s]a mère et [s]a mère, oui, fut torturé par son fils et le fils a violé sa mère » (page 124, scène 35). De plus, dans la dernière réplique de Nihad (lors de son procès), nous pouvons voir qu’il ne regrette en rien ses actes. Il ne cherche pas à nier les nombreux crimes qu’il a commis : « Je ne conteste en rien de tout ce qui a été dit à mon procès au cours de ces années. Les gens qui ont dit que je les ai torturés, je les ai torturés » (page 124), l’associant ainsi à un sombre assassin froid.

C’est un personnage totalement fou, puisqu’il remercie ses victimes, pour lui avoir permis de s’exprimer en tant qu’artiste : « Je veux d’ailleurs les remercier car ils m’ont permis de réaliser des photos d’une très grande qualité » (page 124, scène 35). Meurtrier et heureux de ces crimes comme démontré par le parallélisme « ceux que j’ai giflés et celles que j’ai violées » (page 124, scène 35), venant compléter les remerciements qu’il a fait au préalable, comme une justification.

Ces scènes s’accordent donc sur le caractère inhumain, fou de Nihad. Mais même les monstres ont une raison de vivre. Et si celle de Nihad était de retrouver sa mère ? De renouer avec ses origines ?


La déshumanisation de Nihad


Nous étudierons cette déshumanisation à partir d'un corpus de trois extraits :

- la scène 31 "L'homme qui joue" où l'on voit Nihad tirer sur un inconnu et assassiner un photographe de guerre

- la scène 33 "Les principes d'un franc-tireur" où Nihad parle seul et explique ses principes à un personnage imaginaire dénommé "Kirk"

- une partie de la scène 35 "La voix des siècles anciens" à partir de "Simon : Tu te tais" jusqu'à la fin de la scène de la révélation.

 

Dans un premier temps nous analyserons les horreurs que peut commettre Nihad, puis nous expliquerons comment et pourquoi il est tombé dans la folie, et enfin nous allons montrer ce que cela représente pour Nihad.

 

    Nihad est un homme violent et la pièce de théâtre nous fournit plusieurs scènes où nous voyons cet homme commettre des meurtres horribles, nous allons analyser cette barbarie afin de comprendre la manière dont Nihad peut fonctionner. En effet dans la scène 31 nous voyons comment Nihad abat une cible par le biais des didascalies, effectivement il est dit qu'il "tire un coup, recharge très rapidement. Tire de nouveau en se déplaçant. Tire de nouveau, recharge, s'immobilise et tire encore."(l.20-22) L'accumulation et la description précise de ses tirs insiste sur la violence de Nihad, la répétition de la phrase : "Tire de nouveau" appuie sur l'acharnement de Nihad, on le voit littéralement se déchainer sur sa cible, tirant à plusieurs reprises. Par la suite Nihad va capturer un photographe de guerre, mais il n'en a que faire de lui et se moque même de lui lorsqu'il répète les cris suppliants de l'homme : "«Je ne veux pas mourir !» «Je ne veux pas mourir !» C'est la phrase la plus débile que je connaisse !"(l.36-38). monstruosité Cette citation montre la monstruosité de Nihad qui n'a cure de la vie du photographe, qui est appuyée par le superlatif "la plus". Puis Nihad va calmement installé l'appareil photographique à son fusil sans faire attention aux supplications de l'homme et vas ensuite l'abattre à bout portant et pour finir, vas parler à son corps : "Il s'adresse à l'homme mort."(l.75-76). Et lui chante une "love song"(l.81), cette opposition insiste encore une fois sur la monstruosité de Nihad. Nihad a une manière perverse de tuer ses proies, ils jouent avec, comme décrit dans la scène 35 par Chamseddine qu'il "les avait visés dans l'oeil" (l.31). Nihad est d'ailleurs déshumanisé par Chamseddine, ce dernier explique à Simon qu'on "entendait [Nihad] chantait. Machine à tuer."(l.27). La chosification de Nihad et l'antithèse entre chanter et "Machine à tuer" appuie sur l'inhumanité de Nihad. Ce personne est donc un être horrible, un monstre tuant tout ce qu'il voit sans se préoccuper des victimes.

 

    Pour expliquer comment et pourquoi Nihad est devenu fou nous nous servirions surtout du chapitre 35. En effet c'est dans ce chapitre que l'on apprend qui est le personnage de Nihad. Effectivement Chamseddine à la ligne 14 et 15 explique que Nihad partit "Un jour", cette approximation appuie sur le fait que Nihad n'a "Pas de cause ! Pas de sens !" (l.24), ce parallélisme montre et accentue sur la déchéance du personnage, ce dernier n'a plus de sens à sa vie, qu'il "a oublié Nihad" (l.43), ici "Nihad" n'est plus qu'un nom, il est déshumanisé, il n'est plus rien, sa vie ne lui appartient même plus, il n'a plus de nom. Dans cet extrait nous apprenons aussi comment il en est venu à ne plus avoir de sens à sa vie, en effet à la ligne 21 et 22 Chamseddine explique à Simon que son père "tentait de retrouver sa mère", l'emploie de l'imparfait montre que cette tâche n'est pas accomplie, comme le mot en lui même ; Nihad n'a pas eu de résultats. Puis, à la ligne 23 cette théorie se vérifie quand on apprend qu'il "l'a cherchée des années, sans trouver", la préposition d'absence marque l'échec, nous avons ensuite à la même ligne le modalisateur de cause conséquence ; "Alors, il s'est mit à rire de rien". Ne parvenant pas à retrouver sa mère, Nihad est devenu ce qu'il est aujourd'hui, un homme errant sans but et massacrant tout ce qu'il trouve sur son chemin. Nous voyons donc que Nihad est devenu fou, qu'il a perdu toute conscience, cause et sens à sa vie en raison de l'échec de sa quête qui est de retrouvée sa mère, il est donc partit, et il est devenu franc-tireur, comme nous l'explique Chamseddine.

 

 

    Nous allons maintenant expliquer ce que ces meurtres peuvent représenter pour Nihad. Nous utiliserons la scène 33 et l'extrait de la scène 35. En effet, dans la scène "Les principes d'un franc-tireur" nous voyons Nihad prendre une photo d'un homme qu'il vient de tuer, et après cela, il se parle à lui même, il explique que son "sniper job, is a fantastic job" (l.8-9), pour lui, tuer des innocents est donc un métier, et un métier avec des principes, par exemple il faut "shoot all the personne" (l.18-19). Pour lui, ce métier de meurtrier et plus tard de tortionnaire est un art, en effet à la ligne 11 Nihad dit à "Kirk" que son métier est un "artistic job". Lors de son procès Nihad assume totalement ce qu'il a fait, et il nous dit à la ligne 64 que celles qu'il a "giflé[e]s et celles [qu'il a] violées avaient un visage toujours plus émouvant après la gifle et après le viol, qu'avant la gifle et qu'avant le viol" cet art ambigüe, la répétition et l'accumulation de "viol" et "gifle" accentuent la folie de Nihad et sa monstruosité. Nihad en plus d'assumer il ne cherche aucun prétexte, au contraire il dit même à la ligne 70 et 71 que "le procès [...] fut ennuyeux, endormant, mortel", et il parle d'un art salvateur, qu'il "faut sauver la dignité" (l.73). Donc nous pouvons conclure que les horreurs qu'a commit Nihad sont pour lui normales, elles font parties de son "métier", de son "art", mais qu'en plus, il est fier de ce qu'il a pu faire, ce spectacle est comme il dit "[sa] dignité" à la ligne 80. Ses origines, et le sens de sa vie sont cet art ambigüe.