Nihad, l'artiste


Nihad est obsédé par l'art, il dit au photographe qu'il va tuer, « Moi aussi je suis photographe . Photographe de guerre. ». Il accorde plus d'importance à son « art » qu'à la vie des gens. On a ensuite page 125: « [...]celle qu'on appelait la femme qui chante » et on apprend que Nihad ne l'a épargnée que pour sa voix, montrant que c'est son art qui l'a sauvée. Toujours page 125 il dit « le spectacle, moi, c'est ça ma dignité. » En bref, l'auteur nous montre que ce personnage a perdu son humanité et tente de la remplacer avec l'art, la violence étant la seule chose qu'il connaisse. 


Aussi impensable que cela puisse paraître, Nihad est donc un artiste. Sa seule et unique qualité, il parvient à la transformer en motif de crime : tuer pour réaliser de magnifiques photographies. Reconnaissant que ce personnage est assez imaginatif puisqu’il en vient à imaginer un interlocuteur irréel prénommé "Kirk’’ : « You know, Kirk, sniper job is a fantastic job » (page 115, scène 33), sauf qu’il se répond à lui-même, étant seul. Il est également capable d’inventer une conversation avec le personnage de Kirk, et se croit à un show télévisé lui donnant un titre : « I am very happy to be here at ‘’ Star T.V. Show’’… » (page 110, scène 31). Nihad se sert de son fusil « qui passe du statut de guitare à celui de micro » (page 107, scène 31) et mime une batterie, il pousse la comédie jusqu’à « sonoriser » l’instrument (page 110, scène 31). Il se croit artiste puisqu’il dit que c’est lui qui a écrit cette chanson « I wrote this song when it was war » (page 116, scène 33), l’utilisation de « I » désignant la première personne du singulier le prouve. Nihad est un photographe de guerre et fier de l’être puisqu’il le répète dans une même phrase, plusieurs fois : « Je suis photographe. Je m’appelle Nihad. Photographe de guerre. Regarde c’est moi qui ai tout pris » (page 109, scène 31), cela permet d’insister sur sa qualification plus que sur son identité, avant d’être Nihad il est surtout artiste et d’ailleurs ne donne pas de nom de famille. Dans sa cruauté, il est ingénieux, puisque Nihad a branché, au bout de son fusil, un appareil photo, qui permet lorsqu’il appuie sur la gâchette de déclencher l’appareil. Cette ‘’création’’ lui permet de voir le visage de sa victime au moment où la balle de fusil la percute. Nous savons également qu’il aimait chanter comme sa mère : « On l’entendait chanter » (page 123, scène 35) s’était « un artiste ». Il est d’ailleurs reconnu comme tel possédant une « vraie réputation d’artiste » (page 123, scène 35). L’art est toute sa vie, il estime que le procès le jugeant est ennuyeux en partie parce qu’il n’y a pas « assez de musique » (page 124, scène 35), où l’adverbe quantitatif ‘’assez’’ insiste sur le manque de musique, de spectacle. « Un petit nez rouge. Un petit nez de clown » (page 125, scène 35), correspond à l’unique objet relié au passé de Nihad. Le jeune homme est alors représenté comme né dans le spectacle, comme une vocation du destin. Le procès quant-à lui est dénué de tout intérêt pour Nihad, étant « Sans rythme et sans aucun sens du spectacle » (page 125, scène 35). La reprise de ‘’sans’’ apporte un caractère dénué de sens, la vie de Nihad est dénuée de toute raison sans art. Enfin, Nihad affirme : « Le spectacle, moi, c’est ça ma dignité » (page 125, scène 35), l’emploi de ‘’moi’’ et de ‘’ma’’ associé à ‘’dignité’’ une valeur de la vie prouve encore une fois que le sens même de la vie de Nihad est basé sur l’Art.

 

Nihad a un talent artistique certain, qui lui permet de rester en vie mais qu’il utilise à mauvais escient. L’art devient alors malsain à l’image du personnage qui le pratique. Il le représente.