NAWAL MARWAN

 Nous allons étudier le personnage de Nawal à travers six extraits de l'oeuvre Incendies de Wajdi Mouawad que sont "Dernières volontés" et "enterrement de Nawal" (p. 16 à 19, p 43 a 45) ainsi que "Lire, écrire, compter, parler" (p 41 à 42); "La parole de Nawal" (p.101 à 104) et "Lettre au père" et "Lettre au fils" (p.126 à 129). Nous allons nous demander si le personnage de Nawal dans cette oeuvre était un personnage plutôt enviable ou non. Pour cela nous allons voir qu'il y a un retour en arrière sur la vie de Nawal puis nous allons montrer que sa vie n'était absolument pas enviable.

Le passé ressurgit

La fonction première de ces enterrements est de montrer le début de la quête, on peut parler de symbolisme car il y a comme une perte de dignité pour Nawal et lors de l'enterrement de sa grand mère pour cette dernière avec "face première contre le monde" et "le visage tourné vers le sol" (I.2) alors que sa grand-mère demande à être enterrée "le visage tourné vers le ciel" (l.21). Le testament de Nawal montre une volonté de laisser un héritage aux enfants, ce qui prouve le lancement de la quête: "Lebel te remettra une enveloppe" (l.53-59) répété 2 fois lors de la lecture du testament, montrant également une volonté de faire participer les 2 jumeaux. On retrouve des anaphores (l 20-21-22) avec la répétition des sons "En" au début des mots "emmenez-moi", "enterrez-moi", "enterrez-moi", ainsi que la répétition du pronom personnel "moi" et la répétition de la préposition "sans" (l.23-24-25) a 4 reprises. Le seau d'eau fraîche peut faire penser lors des enterrements a la purification du corps, comme une volonté de laver les péchés qu'a commis Nawal ou sa grand mère: "vous lancerez sur moi chacun un seau d'eau fraîche" (l.30-31-32).

Lorsque le notaire Lebel fait aux jumeaux Jeanne et Simon Marwan la lecture du testament de leur mère Nawal, il énonce l' histoire de leur naissance : qui donc fut leur père, et par quelle odyssée ont-ils vu le jour loin du pays d'origine de leur mère ? En remettant à chacun une enveloppe, ces enveloppes destinées l'une à ce père qu'ils croyaient mort et l'autre à leur frère dont ils ignoraient l'existence. Mais le prix à payer pour que le testament de Nawal soit respecté, va dévorer les destins de Jeanne et de Simon. A la fin la lecture des dernières volontés de Nawal, Simon laisse éclater sa colère contre sa mère, tandis que Jeanne, probablement en prise avec une colère plus froide, ne manifeste aucune émotion. En tant qu’ami de Nawal, le Hermile Lebel mène Simon et Jeanne vers leur mère, ainsi les jumeaux vont peu à peu se déprendre de leur colère pour verser des larmes à leur tour. Lorsque Jeanne vient récupérer son enveloppe, il lui précise que « [sa] mère a connu [son] père lorsqu’elle était très jeune », chose que semblait ignorer Jeanne. Cette révélation ouvre ensuite sur un épisode du passé, sur l’histoire de Nawal et Wahab. Il a su se montrer curieux à l’égard de Nawal ; cette curiosité se transmet alors à Jeanne qui demande davantage d’informations au notaire et qui part à la fin de la scène poursuivre son enquête au Liban, pays de sa mère.

Une vie plutôt inconfortable

Nawal a passé sa vie plutôt inconfortablement jusqu'à sa mort, elle a tout d'abord passé sa vie à se battre comme en témoignent l'extrait La parole de Nawal (p.101) et les lettres explicatives au père et au fils (p.126 à 129). On peut relever dans La parole de Nawal une répétition de "Mon témoignage" (l.2 et l.4), ce qui montre qu'elle à été témoin de quelque chose, qu'elle est à un procès et donc que son combat est toujours en cours ainsi qu'une répétition de "cauchemars", (deux fois l.13 et une fois l.14) ce qui amplifie l'horreur et la souffrance qu'elle a subit durant ses combats.

On peut aussi relever: "Craignaient" (l.12); "forcée" (l.3); "douleurs" (l.10); "horreur" (l.11); "cauchemars" (l.13); "massacrer" (l.27); "autorité" (l.33); "leur haine, leur peur" (l.34); "suspendue par les pieds" (l.42); "le coup du pistolet" (l.44); "la mort" (l.45); " la torture" (l.46) ; "chagrin" (l.54) ; "la guerre" (l.81); "violents" (l.81). Ces citations appartiennent au champs lexical de l'horreur ce qui montre son combat. Tout cela montre qu'elle a souffert mais étant donné qu'elle témoigne durant ce procès cela montre qu'elle a réussi à s'en sortir, qu'elle s'est battue. On peut aussi relever des citations qui nous montrent son combat dans La lettre au père et La lettre au fils. On peut relever une synecdoque qui montre qu'elle fatigue et qu'elle doit donc se concentrer: "tremblant" (l.1); "j'appuie sur mon crayon" (l.4). Elle fait aussi des métaphores de Nihad en tant qu'horreur:"nés de l'horreur" (l.17-18); "je te haïssais" (l.76) "tu étais l'horreur" (l.54). Il y a aussi de nombreuses répétitions de "je t'ai cherché" ( l.30/32/33/39/43/45 et 46) ce qui montre qu'elle y a passé une importante partie de sa vie, qu'elle s'y est consacrée longuement.

Tout cela montre aussi qu'elle s'est battue, on voit qu'elle est fatiguée car elle a passé une importante partie de sa vie à chercher ce qu'elle voit maintenant comme l'horreur. Ces extraits nous montre aussi qu'elle s'est retrouvée à la prison de Kfar Rayat.

Dans l'extrait La parole de Nawal on peut relever des éléments de description qui font référence à la prison de Kfar Rayat comme: "mon bourreau" (l.5); "Abou Tarek" (l.5); "votre fonction de bourreau" (l.19). Mais ces éléments de description sont aussi présents dans Les lettres comme: "fils et fille du bourreau" (l.17); "La femme qui chante, Pute n°72, Cellule n°7, A la prison de Kfar Rayat." (l.26 à l.29). On peut aussi relever dans cet extrait un complément circonstanciel de lieu qui indique au destinataire de la lettre qu'ils se sont connus "A la prison de Kfar Rayat"(l.29).

Tous ces éléments montrent bien qu'elle s'est retrouvée emprisonnée à la Kfar Rayat. Mais après son combat et son emprisonnement, après avoir longuement souffert, elle tombe dans un silence éternel.

Dans l'extrait La parole de Nawal elle dit "[qu'elle] prononce [son] nom pour la dernière fois de [sa] vie" (l.5-6); cette phrase annonce qu'elle va se plonger dans le silence même si pour l'instant elle ne le sait pas encore, c'est un signe pour le lecteur. On a aussi une image du silence lorsqu'elle dit "[qu'elle] les [a] élev[é] [...] dans le silence" (l.54). Mais dans Les lettres on retrouve le champ lexical du silence avec: "Bientôt vous vous tairez" (l.23); "le silence" (l.25). Ainsi que le complément circonstanciel de temps "Bientôt" (l.23) qui montre qu'elle sait quand ça va se passer, on peut se dire que c'est parce que ça lui est arrivé. Mais aussi le pronom personnel "ma" montre qu'elle ne parle plus dans "le silence dans ma gorge" (l.56).

A travers ces extraits nous pouvons donc voir que Nawal s'est plongée dans un silence en apprenant qui était son violeur et elle pense qu'en l'apprenant celui-ci plongera à son tour dans le silence.

 

Dans ces trois extraits nous pouvons voir que le passé de Nawal resurgit car son enterrement est symbolique et on apprend que le père des jumeaux n'est pas mort. Mais ils nous apprennent aussi que la vie de Nawal ne fut pas une vie enviable car elle s'est battue, elle a séjourné à Kfar Rayat et tout cela l'a conduit au silence.