"L'art doit être cet os sur lequel l'Histoire se brise les dents"

(p.164 dans la postface rédigée par Charlotte Farcet, Actes Sud babel, 2009)

Wadji Mouawad est un auteur, metteur en scène et comédien d’origine libanaise plus précisément de la ville de Beyrouth. Dès son plus jeune âge il commence une période d’exil qui l’amène lui et sa famille à Paris. Puis suite à un refus de donation de papier, ils repartent au Québec.

 

Passionné par la littérature et par ce que son prof de français lui transmet, il décide de s’inscrire à l’Ecole Nationale du théâtre au Canada qui lui ouvre ses portes. Il poursuit ses études et 1991 il ressort diplômé.

 

Incendies est une de ses œuvres théâtrales qui a vu le jour lors de la mise en scène avec son groupe de comédiens. Celle-ci est le second volet de trois pièces de théâtre. Cette pièce nous présente, au travers d’une famille plongée dans le secret, un fait d’actualité.

 

Mais pourquoi cet auteur a-t-il choisi d’écrire cette pièce ? Y-a-t-il un lien entre sa vie et son œuvre ? Est-ce un témoignage, une histoire imaginée, ou un hommage ?

 

Cette pièce de théâtre, est née à partir d’une question que lui ont posée Vincent Baudriller et Hortense Archambault. Celle de la narration. Mais il se demande si en réalisant cette œuvre il va pouvoir consoler la population de se qu’il se passe actuellement. Cette profonde réflexion lui permet de s’apercevoir qu’il veut s’« interroger sur les brutalités du monde contemporain ». Wajdi Mouawad veut absolument parler des guerres dans ces pièces. Et c’est ce qu’il fait dans Incendies. Il fait naitre son histoire grâce à la guerre civile libanaise. Grâce à de nombreuses recherches il apprend beaucoup de choses à propos de l’Histoire de son pays dont il ignorait l’existence. Son livre le replonge dans un malheureux chagrin. A force de rechercher la vérité, son envie d’apprendre, de comprendre le transporte tout doucement dans l’atrocité du passé de son pays.

 

Wajdi Mouawad invite un jour Josée Lambert, photographe et lui raconte les conditions de détention des familles, les conditions d’isolement et le quotidien des femmes vivants dans la prison de Khiam pendant la guerre civile au Liban pendant quelques temps. Puis le soir du 29 Janvier 2000, la photographe lui raconte l’histoire bouleversante de Diane dont la grand-mère est arrêtée et Jean gardien de la prison. Diane est une femme attachée à sa grand-mère et qui ne veut pas qu’elle subisse les barbaries atroces du quotidien de la prison. Jean remarque cet attachement à sa grand-mère et lui fait une proposition en lui demandant d’être conciliante et il se verra clément envers sa grand-mère dont elle est très proche. Ne pouvons pas refuser, elle se voit contrainte de se faire violée quotidiennement jusqu’au jour ou il se lasse de cette femme et la libère elle et sa mère comme si elles étaient des moins que rien.

 

En écoutant cette histoire, Wajdi Mouawad se décompose au fur est à mesure et les jours suivants il est dans une détresse totale ne sachant pas comment faire. Tout les jours, cette histoire le tourmente et il se pose beaucoup de questions par rapport à son enfance dont : pourquoi il n’est pas resté dans son pays natal ? Il ressent beaucoup de la culpabilité d’avoir fui la guerre civile et d’avoir abandonné toute cette population sans avoir le choix réellement au risque de se faire tuer. Il est très malheureux de cette situation qui le hante. Un jour, dans les coulisses des Quat ‘Sous (théâtre) une phrase l’habite : Comment peux-tu faire cela ? Je pourrais être ta mère. » Cette question va lui permettre de se rendre compte qu’il veut faire un hommage, expliquer réellement ce que les femmes libanaises ont vécus grâce à ce que lui a raconté cette femme. L’écriture va lui permettre de « guérir » une partie de sa culpabilité. Après une réflexion approfondie, il saura désormais qu’il va raconter la vie dans le secret d’une femme torturée, et violée par son propre fils qu’elle a portée pendant 9 mois.

 

Dès lors, il commença à écrire, après avoir été conseillé par Mirelle Lacroix, il regarde le documentaire de Randa Chahal, s’expirant de la vie de Souha Bechara.

 

Parti de son pays natal, l’auteur n’a pas connu réellement son pays, son histoire etc... et sent qu’il est appelé à connaitre l’histoire de sa patrie. Au travers de cette histoire avec des personnages « imaginaires » l’auteur présente l’Histoire avec un grand H de sa ville natale qu’il n’a pas connue. Il nous fait ressentir au travers de son histoire la haine d’une nation plongée dans le secret et son désir d’apprendre sa vraie origine.